jeudi 23 juin 2016

La Prairie sèche de Venoix (partie 1)

A Caen, les amateurs de faunes et de flores ont à portée de main un certain nombre de trésors d'une richesse exceptionnelle en biodiversité. On peut profiter de la Prairie, en plein centre-ville de Caen, zone humide préservée autour de l'hippodrome. La côte est également d'une richesse énorme, avec un assemblage de dunes, de marais, de bois, et le magnifique estuaire de l'Orne. On peut aussi, au sud de Caen, remonter l'Orne jusqu'à la Forêt de Grimbosq.

Moins connu, dans le quartier de Venoix, on peut profiter également d'une prairie sèche, qui, dès le mois de mai, offre à l'observateur attentif une variété d'insectes et de plantes de grand intérêt.

C'est d'une promenade dans ce coin dont je vais vous faire part aujourd'hui, faite pas plus tard que la semaine dernière entre deux averses. Pour le coup, "prairie sèche", c'est un peu survendu. Disons qu'elle n'était pas gorgée d'eau. J'y suis quand même allé en bottes, et propose pour l'occasion de baptiser l'endroit la prairie aux milles bottes

Certaines plantes croisées en ce lieu m'ont donné du fil à retordre. Déjà que j'ai du mal à distinguer les herbes des Vosges, alors celles du Calvados n'en parlons pas.


Ail des vignes (Allium vineale L.)




Vous l'aurez peut-être reconnu, ceci est de l'ail. Plus exactement, les bulbilles de l'Ail des vignes (Allium vineale L.), l'un des aulx sauvages les plus communs de Normandie, avec l'Ail des ours (Allium ursinum L.). Ces bulbilles sont des bourgeons destinés à se détacher de la plante pour en donner une nouvelle. C'est une méthode de multiplication qui permet à un seul individu d'en donner plusieurs, sans fécondation. Ça n'empêche pas la plante, pour multiplier ses chances de survie, de produire aussi des fleurs et des graines. Elle dispose donc de deux moyens de multiplication.

L'ail des vignes, comme la plupart de ses cousins, est comestible et médicinal. On lui préférera quand même, pour la cuisine, l'ail classique du commerce : quand on récolte les parties souterraines d'une plante sauvage, celle-ci ne repousse pas : vous appauvrissez la biodiversité d'un milieu. Contrairement à l'ail des ours, les parties aériennes de l'ail des vignes ne sont pas très intéressantes : coriaces et très fines. 

Les aulx sont de puissants antiseptiques naturels, très utiles dans les affections hivernales. Le sirop d'ail est un excellent remède de la grippe. C'est une alternative de solitaires au traditionnel sirop de grenadine. Il est aussi d'une aide précieuse pour combattre les vers ou baisser la tension. L'ail procure un apport conséquent de vitamines et minéraux divers. 



Quelques orchidées


Un peu plus loin sur cette prairie, une rencontre qui décalque : une magnifique colonie d'orchidées, avec principalement l'Orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis (L.) Rich) et l'Ophrys abeille (Ophrys apifera Huds.). Les Orchidées font partie des superstars de la botanique, comptant le plus d'amateurs, ayant beaucoup d'ouvrages et de recherches à leur sujet. Il faut dire que la famille des Orchidées présente une richesse exceptionnelle, avec sans doute plus de 25000 espèces ayant colonisées presque tous les écosystèmes de la planète. 

En plus, certaines espèces ont développé des stratégies alimentaires ou reproductrices très ingénieuses (bon, en vrai, on peut pas vraiment dire qu'elles l'ont fait exprès : des mutations apparaissent en permanence d'une génération à l'autre, et si elles sont favorables à la survie de l'individu, elles ont de bonnes chances de persister).





C'est le cas de l'Ophrys abeille, justement, dont je vous parlais dans un article précédent mais qui n'avait pas encore fleuri : je n'avais donc pas encore de jolies photos pour illustrer mon propos. C''est la fleur que vous voyez sur la photo ci-dessus, ressemblant justement à une abeille (sacré hasard, elle s'appelle Ophrys abeille ET elle ressemble à une abeille !).

La plante est pollinisée par les abeilles solitaires mâles, et pour les leurrer, le pétale inférieur, qu'on appelle le label chez les orchidées, imite par son dessin l'abeille femelle. En plus, la fleur répand une odeur proche des phéromones des abeilles. Le mâle, pas très physionomiste, vient copuler en toute bonne foi la fleur. Des échanges de substances que la morale m'interdisent de nommer se produisent, et le mâle repart couvert de pollen, qu'il ira déposer sans se douter de rien sur un autre pied d'Ophrys abeille. N'est-ce pas formidable ?

D'autres espèces d'Ophrys existent, mais plus rares en Basse-Normandie, imitant ainsi d'autres insectes, souvent des Hyménoptères (ordre des abeilles, frelons, bourdons...), parfois des Coléoptères (ordre des coccinelles, scarabées...). 

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