jeudi 23 juin 2016

La Prairie sèche de Venoix (partie 1)

A Caen, les amateurs de faunes et de flores ont à portée de main un certain nombre de trésors d'une richesse exceptionnelle en biodiversité. On peut profiter de la Prairie, en plein centre-ville de Caen, zone humide préservée autour de l'hippodrome. La côte est également d'une richesse énorme, avec un assemblage de dunes, de marais, de bois, et le magnifique estuaire de l'Orne. On peut aussi, au sud de Caen, remonter l'Orne jusqu'à la Forêt de Grimbosq.

Moins connu, dans le quartier de Venoix, on peut profiter également d'une prairie sèche, qui, dès le mois de mai, offre à l'observateur attentif une variété d'insectes et de plantes de grand intérêt.

C'est d'une promenade dans ce coin dont je vais vous faire part aujourd'hui, faite pas plus tard que la semaine dernière entre deux averses. Pour le coup, "prairie sèche", c'est un peu survendu. Disons qu'elle n'était pas gorgée d'eau. J'y suis quand même allé en bottes, et propose pour l'occasion de baptiser l'endroit la prairie aux milles bottes

Certaines plantes croisées en ce lieu m'ont donné du fil à retordre. Déjà que j'ai du mal à distinguer les herbes des Vosges, alors celles du Calvados n'en parlons pas.


Ail des vignes (Allium vineale L.)




Vous l'aurez peut-être reconnu, ceci est de l'ail. Plus exactement, les bulbilles de l'Ail des vignes (Allium vineale L.), l'un des aulx sauvages les plus communs de Normandie, avec l'Ail des ours (Allium ursinum L.). Ces bulbilles sont des bourgeons destinés à se détacher de la plante pour en donner une nouvelle. C'est une méthode de multiplication qui permet à un seul individu d'en donner plusieurs, sans fécondation. Ça n'empêche pas la plante, pour multiplier ses chances de survie, de produire aussi des fleurs et des graines. Elle dispose donc de deux moyens de multiplication.

L'ail des vignes, comme la plupart de ses cousins, est comestible et médicinal. On lui préférera quand même, pour la cuisine, l'ail classique du commerce : quand on récolte les parties souterraines d'une plante sauvage, celle-ci ne repousse pas : vous appauvrissez la biodiversité d'un milieu. Contrairement à l'ail des ours, les parties aériennes de l'ail des vignes ne sont pas très intéressantes : coriaces et très fines. 

Les aulx sont de puissants antiseptiques naturels, très utiles dans les affections hivernales. Le sirop d'ail est un excellent remède de la grippe. C'est une alternative de solitaires au traditionnel sirop de grenadine. Il est aussi d'une aide précieuse pour combattre les vers ou baisser la tension. L'ail procure un apport conséquent de vitamines et minéraux divers. 



Quelques orchidées


Un peu plus loin sur cette prairie, une rencontre qui décalque : une magnifique colonie d'orchidées, avec principalement l'Orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis (L.) Rich) et l'Ophrys abeille (Ophrys apifera Huds.). Les Orchidées font partie des superstars de la botanique, comptant le plus d'amateurs, ayant beaucoup d'ouvrages et de recherches à leur sujet. Il faut dire que la famille des Orchidées présente une richesse exceptionnelle, avec sans doute plus de 25000 espèces ayant colonisées presque tous les écosystèmes de la planète. 

En plus, certaines espèces ont développé des stratégies alimentaires ou reproductrices très ingénieuses (bon, en vrai, on peut pas vraiment dire qu'elles l'ont fait exprès : des mutations apparaissent en permanence d'une génération à l'autre, et si elles sont favorables à la survie de l'individu, elles ont de bonnes chances de persister).





C'est le cas de l'Ophrys abeille, justement, dont je vous parlais dans un article précédent mais qui n'avait pas encore fleuri : je n'avais donc pas encore de jolies photos pour illustrer mon propos. C''est la fleur que vous voyez sur la photo ci-dessus, ressemblant justement à une abeille (sacré hasard, elle s'appelle Ophrys abeille ET elle ressemble à une abeille !).

La plante est pollinisée par les abeilles solitaires mâles, et pour les leurrer, le pétale inférieur, qu'on appelle le label chez les orchidées, imite par son dessin l'abeille femelle. En plus, la fleur répand une odeur proche des phéromones des abeilles. Le mâle, pas très physionomiste, vient copuler en toute bonne foi la fleur. Des échanges de substances que la morale m'interdisent de nommer se produisent, et le mâle repart couvert de pollen, qu'il ira déposer sans se douter de rien sur un autre pied d'Ophrys abeille. N'est-ce pas formidable ?

D'autres espèces d'Ophrys existent, mais plus rares en Basse-Normandie, imitant ainsi d'autres insectes, souvent des Hyménoptères (ordre des abeilles, frelons, bourdons...), parfois des Coléoptères (ordre des coccinelles, scarabées...). 

jeudi 16 juin 2016

En attendant de nouveaux articles...

En ce moment, je n'ai pas beaucoup de temps pour botaniser, encore moins pour publier de nouveaux articles. Mais ceux-ci sont en cours de maturation :) 

Pour vous faire patienter, et pour le plaisir des yeux, voici trois photos prises dans le quartier de Venoix, à Caen, dans la grande prairie sèche derrière la rue du Saint-Graal.

Pour être au courant des nouvelles publications, vous pouvez vous inscrire à la newsletter du blog (colonne de droite).

Orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis (L.) Rich.)

Ophrys abeille (Ophrys apifera Huds.) et
Orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis (L.) Rich.) en arrière-plan

Fleur d'Orobanche grêle (Orobanche gracilis Sm.), qui sent le clou de girofle.

jeudi 9 juin 2016

Botanique à la plage (aou cha-cha-cha)

Profitant de la moiteur de juin, ma chère et tendre et moi-même sommes allés glander au bord de mer. C'est pas donné à tout le monde d'être à mi-temps, ça libère vachement de temps pour ne rien faire. 

Bon, le naturel revenant au galop, ni une ni deux, après m'être endormi comme une larve près d'une dune, j'ouvre les yeux, et BAM, une plante à portée de main sur ladite dune, et c'est parti pour une session botanique de bord de mer.



Euphorbe


Euphorbe maritime, Euphorbia paralias L.,
le 7 juin 2016 à Ouistreham (Calvados)
Le même, mais le 18 avril 2016 à Merville-Franceville (Calvados),
bien avant la floraison
Première trouvaille, un euphorbe maritime, Euphorbia paralias L. pour les intimes, qui pousse partout sur nos côtes, qu'on ne remarque pas forcément mais à l'inflorescence pourtant très extravagante. Jugez plutôt :


L'inflorescence des euphorbes est appelée une cyathe. Elle est composée, au centre, d'une fleur femelle, entourée de fleurs mâles réduites aux étamines. Le tout est encadré par deux feuilles modifiées, qu'on appelle bractées, qui protègent la fleur et miment des pétales. 

Les euphorbes forment une très grande famille de plusieurs milliers d'espèces dans le monde. Certaines euphorbes ressemblent à de grands cactus et sont vendues en jardinerie. Toutes émettent à la cassure un suc laiteux et toxique, très irritant pour la peau et les muqueuses. Elles sont d'ailleurs épargnées par le bétail quand elles poussent sur les pâturages. Avaler une euphorbe entraîne une intoxication pas franchement marrante : 
"brûlures dans la bouche et de la gorge, douleurs intolérables de l'estomac, vomissements, diarrhée incoercible et sanguinolente, dilatation des pupilles, vertiges, délires, convulsions, réduction de la circulation, (...)" (Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, Editions Omnibus)
Les usages médicinaux des euphorbes sont, de fait, assez limités...



Le parasitisme chez les plantes : les orobanches


Juste à côté, poussait une belle colonie d'orobanches, a priori l'Orobanche du trèfle (Orobanche minor Sm.). C'est une plante pas forcément des plus sexy, mais elle est intéressante car il s'agit d'une plante parasite. Vous l'aurez deviné, elle préfère parasiter le trèfle, mais comme ici elle s'acclimate aussi bien d'autres plantes.







Les racines de l'orobanche se fixent directement sur les racines de la plante hôte, et pompent l'eau et les nutriments essentiels à son développement. Les orobanches sont des plantes qui se remarquent par leur couleur : pas une seule trace de verdure. En effet, elles n'ont pas besoin de chlorophylle, n'utilisant pas le soleil pour développer les éléments indispensables à leur survie. De même, le feuillage est limité à son strict minimum.


Les orobanches produisent plusieurs milliers de graines minuscules par pied, pouvant germer pendant plusieurs années. En effet, les graines qui germeraient loin d'une plante hôte ne seraient pas viables. La plante est donc obligée, pour sa survie, de multiplier ses chances de rencontre.

Certaines espèces d'orobanches, parasitant par exemple le tournesol, sont une menace dans les parcelles de grandes cultures : elles baissent le rendement, en affaiblissant la plante à laquelle elles se greffent. 




Une plante invasive : le Séneçon du Cap.


Sur ce minuscule bout de dune, un petit monticule de quelques mètres carrés au milieu de la plage, se trouvait aussi un Séneçon, peut-être la plante parasitée par l'Orobanche : le Séneçon du Cap (Senecio inaequidens DC.). Comme son nom l'indique, elle est originaire d'Afrique du Sud, et s'est naturalisée un peu partout en France, les graines ayant sans doute été transportées par la laine des moutons. 

La page Wikipedia de la plante nous explique que les premiers Séneçons du Cap auraient été observés vers 1934/1936, à la fois du côté de Calais et de Mazamet, qui disposaient d'usines textiles, et se seraient ensuite propagés via les voies de chemin de fer. En Normandie, l'acclimatation est récente, sans doute moins de 30 ans. Il s'agit d'une plante invasive, qui abonde par endroit au détriment de la flore locale et contribue à dérégler les écosystèmes.




Cette plante est de la famille des Astéracées ou Composées, comme le pissenlit, la pâquerette, la plupart des chardons... Cette famille a une inflorescence remarquable, faisant preuve d'une stratégie d'adaptation très développée. 


Quand vous arrachez les pétales d'une pâquerette pour savoir combien vous m'aimez, en fait, il s'agit non pas de pétales mais de fleurs. Je m'explique : ce que l'on prend pour une fleur est en réalité un capitule, un ensemble de toutes petites fleurs serrées entre elles de manière à donner l'impression qu'il ne s'agit que d'une seule grande fleur. Manière efficace d'attirer les pollinisateurs, selon l'adage "L'union fait la force". 


Les fleurs des Astéracées sont de deux sortes : les unes sont dites ligulées, ce sont celles justement qui miment le pétale, à l'extérieur du capitule, blanche chez la pâquerette ou jaune comme sur le Séneçon ci-dessus. Les autres sont tubulées, ce sont tous les points jaunes qu'on retrouve au milieu du séneçon. Parfois, seules les fleurs tubulées sont fertiles. 


Certaines Astéracées, comme le Pissenlit, ne comportent que des fleurs ligulées, d'autres comme la plupart des chardons que des fleurs tubulées, ou encore comme chez la marguerite le capitule comporte les deux types de fleurs.




Sur la photo ci-dessus, le capitule du Séneçon du Cap ne comporte plus de ligules, caduques. Les tiges vertes que l'on aperçoit ne sont pas des sépales mais des bractées, c'est-à-dire des feuilles modifiées faisant partie de l'inflorescence.



Le Séneçon du Cap se distingue de la plupart des autres Séneçons de Basse-Normandie notamment par ses feuilles, qui sont entières ou avec quelques dents fortes, et linéaires. 

Les Séneçons ont été utilisés depuis longtemps en médecine humaine, mais présentent une certaine toxicité. Bien sûr, le Séneçon du Cap, comme espèce invasive arrivée tardivement en Europe, n'est pas documenté dans l'herboristerie classique européenne. Mais la littérature fait référence à d'autres espèces depuis au moins l'époque de Théophraste (371 - 286 av. J.-C.), élève d'Aristote. 

Le Séneçon vulgaire (Senecio vulgaris L.) est un puissant remède emménagogue (stimulant le flux sanguin dans la région utérine et favorisant l'apparition des règles), et sédatif des règles douloureuses. Cependant, on lui préfère d'autres plantes pour cet usage, car il est aussi hépatotoxique, cancérogène et mutagène. Il s'agit aussi d'une plante dangereuse pour le bétail, qui ingérée en grande quantité peut tuer chevaux et vaches. 


La Queue de lièvre


Finissons par une plante toute douce. Entre les parasites et les invasives, j'avais l'impression de faire de la propagande très à droite, finissons donc par un spécimen plus léger avant que des gens mal intentionnés ne profitent de cet article pour faire des comparaisons douteuses :-)

Qui dit plage, dit Pompons, ou Queues de lièvres : une Graminée (ou Poacée comme on dit maintenant), magnifique, abondante sur le littoral, toute soyeuse, très jolie en bouquets champêtres. J'ai nommé la Lagure ovale, ou Lagurus ovatus L., qui contribue pour beaucoup au charme des plages européennes.
Un tapis de Lagurus ovatus,
qui restera toujours dans mon cœur sous le nom de Pompon.

Epi de Lagurus ovatus L.
Les Poacées sont sans doute les végétaux les plus présents sous nos latitudes, formant tout ce qu'on appelle vulgairement "herbe". Beaucoup de botanistes les délaissent, à cause de la petitesse et de la complexité de leurs fleurs, qui rendent leur identification difficile. Et puis faut avouer que ça claque moins qu'une orchidée (encore qu'il y ait des orchidées très moches et des graminées très belles, mais ce sera l'objet d'un futur article). Les fleurs de Graminées sont rassemblées en épillets, eux-même rassemblés en épi.




A suivre...



Après cela, nous nous sommes promenés au Marais de Colleville-Montgomery, mais les plantes observées là-bas feront l'objet d'un autre article, peut-être, plus tard, si je suis courageux :-)


Je vais aussi préparer une page spéciale pour que vous puissiez retrouver les mots de vocabulaire botanique et médicinal que j'emploie dans les articles, pour pouvoir les raccourcir : je ferai un lien hypertexte sur le mot de l'article qui pointera sur sa définition. Va me falloir du courage !

vendredi 3 juin 2016

Valériane et houblon enlacés

Profitant du proverbial soleil printanier de Normandie, je me suis aventuré, bottes aux pieds, tout au bord de la Sarthe, dans un lieu mal connu des Alençonnais et pourtant magnifique et très riche en biodiversité : la Fuie des Vignes.

C'est un espace préservé grâce aux crues régulières de la Sarthe qui l'ont protégé de l'urbanisation, un grand poumon vert à dix minutes à pied du centre-ville d'Alençon, encerclé par les quartiers de Montsort et Perseigne. Une zone humide propice au développement de toute une cohorte de plantes amatrices d'eau : Renoncules, Saules, Carex, etc.

Tout au bord de la Sarthe, donc, vraiment tout contre la berge, j'ai pu observer les embrassades de deux plantes pas tellement rares, mais toutes les deux considérées comme sédatives dans la pharmacopée européenne.




Vous avez donc ici la Valériane officinale (Valeriana officinalis f. repens (Host) B.Bock) qui sert de support pour le Houblon (Humulus lupulus L.), plante grimpante.

Les fleurs appartiennent à la Valériane, ainsi que la tige droite,
tandis que les feuilles visibles sont celles du 
Houblon.
Le 30 mai 2016 à Alençon.
Ce sont deux plantes médicinales, utilisées de longue date par l'Homme, notamment réputées pour leurs propriétés sédatives et anxiolytiques, même si, dans le corps médical, les avis divergent1 sur l'efficacité de la Valériane.

Le Houblon (Humulus lupulus L.)


Un peu de botanique


Le Houblon appartient à la famille des Cannabaceae. C'est donc un "cousin" du Cannabis, mais qui pousse facilement chez nous à l'extérieur des placards. D'ailleurs, Houblon (Humulus) et Chanvre (Cannabis) sont les deux seuls genres que les botanistes rangeaient dans cette famille, jusqu'à ce que la génétique bouleverse tout ça au XXIe siècle.

C'est une famille qui était caractérisée par les nervations des feuilles palmées : les nervures partent toutes du même point au sommet de la feuille dans des directions différentes, à la manière des doigts de la main. 

Chanvres et Houblons sont aussi des plantes dioïques : ça signifie que les fleurs sont soit mâles, soit femelles, et poussent sur des pieds différents. Les fleurs ne sont donc pas hermaphrodites. Ainsi, il n'y aura pas de formation de graines avec juste un seul pied : les fleurs ne seront jamais fertilisées. Exactement comme chez les humains en fait : vous aurez beau avoir un beau pistil, si aucune étamine n'y dépose son pollen, hé bien pas de petite graine en vue :-). Si ce mode de reproduction est quasi-généralisé chez les animaux, chez les végétaux à fleurs, une large part des individus portent à la fois les organes mâles et femelles.

Vous pourrez facilement reconnaître les pieds de houblon dans la nature, principalement dans les haies et les lieux frais. Il s'agit d'une liane herbacée atteignant jusqu'à 6 mètres, donc la tige s'enroule autour de son support, à la croissance rapide. La tige n'est pas circulaire mais quadrangulaire, et est rêche au toucher. Les Romains croyaient que le houblon suçait la sève des arbres autour desquels il s'enroulait, et l'ont donc nommé Lupulus, soit Petit Loup.

Les feuilles sont opposées (face à face de part et d'autre de la tige), pétiolées (elles ne sont pas collées directement à la tige, mais reliées à celle-ci par une petite tige qu'on appelle pétiole), dentées et lobées.

En septembre, on remarque de loin les pieds femelles, par leurs fleurs sous forme de cônes argentés, répandant une poudre jaune-orangée collante à l'odeur résineuse prononcée : la lupuline.


Inflorescence mâle du Houblon,
le 05 août 2015 à Salenelles (Calvados)

La bière2


Hé oui, principal usage et pas des moindres du Houblon : aromatiser la bière, lui donner une amertume plus ou moins prononcée, ce goût floral qui vous explose en bouche chez les IPA3.

C'est l'un des plus anciens usages du Houblon, d'ailleurs, qui lui donne son nom de Vigne du Nord, et qui se serait développé vers le IXe siècle. On utilisait aussi dans le passé le Chanvre pour ce même usage. Les brasseurs récupèrent des fleurs femelles la lupuline, riche en huiles essentielles, tanins et résines. Cette poudre, selon Paul-Victor Fournier (Dictionnaire des Plantes médicinales et vénéneuses de France, Editions Omnibus), contribue, en plus du goût, à la clarification et à la conservation du moût de la bière, ainsi qu'à la limitation de la prolifération bactérienne.

Les pousses terminales du Houblon peuvent aussi être consommées cuites comme les asperges, constituant l'un des meilleurs légumes sauvages du printemps, à ne pas confondre cependant avec d'autres lianes de nos régions, certaines étant très toxiques comme la Bryone (Bryonia dioica Jacq.). Le houblon en légume est d'ailleurs connu dès l'antiquité, cité par Pline l'Ancien (23 - 79) comme légume de fantaisie.


Les effets du houblon sur la santé


Le Houblon est une plante dont les usages thérapeutiques documentés sont assez récents : la première mention qui nous soit parvenue est celle de Sainte Hildegarde, au XIIe siècle, qui en fait un remède à la mélancolie.

Aujourd'hui, il est considéré comme un tonique du système digestif par ses principes amers, sédatif par ses huiles essentielles, anaphrodisiaque (l'inverse d'aphrodisiaque, donc) par la lupuline, et comme diurétique. Ce qui ne surprendra pas les buveurs de bières ou leurs partenaires.

D'après certaines études médicales récentes, le houblon aurait un effet œstrogénique, "féminisant" l'organisme. Si chez la femme ça peut favoriser la montée de lait à l'allaitement, chez l'homme, on peut observer parfois une augmentation du volume de la poitrine4

D'après Paul-Victor Fournier, le Houblon présente une certaine toxicité, en tout cas à dose élevée, surtout à cause de son action hormonale. Les travailleurs des houblonnières souffrent, en particulier pendant les cueillettes, de troubles hormonaux, de somnolence, de migraines...


La Valériane officinale (Valeriana officinalis f. repens (Host) B.Bock)


Botanique


La Valériane officinale, aussi appelée Herbe aux Chats, est une grande plante assez commune en zone humide en Normandie. Autrefois membre de la famille des Valérianacées (étonnant !), les progrès en génétique ont fusionné cette famille dans celle des Caprifoliacées, famille du Chèvrefeuille (genre Lonicera).

Parmi les membres les plus connus des Valérianacées, on peut citer la Mâche (Valerianella locusta (L.) Laterr.), le Centranthe rouge ou Lila d'Espagne (Centranthus ruber (L.) DC., photo ci-dessous), ou encore le Nard jatamansi (Nardostachys grandiflora DC.), une plante asiatique très réputée par le passé en parfumerie pour son odeur terreuse, que l'on rencontre plusieurs fois dans la Bible5.


Pied de Centranthe rouge, herbe commune des trottoirs.
Le 5 mai 2016 à Ver-sur-Mer, Calvados
La Valériane se reconnaît par sa tige cylindrique, creuse, cannelée (striée, sillonnée, et non lisse), son gros rhizome (organe souterrain servant généralement de réserve nutritive pour la plante) d'où partent de nombreuses racines, ses feuilles opposées et profondément divisées (photo ci-dessous).

Détail d'une feuille de Valériane. La feuille est l'ensemble
des morceaux visibles, chaque "morceau" s'appelant un foliole.

Les fleurs sont petites, blanches à rosées, hermaphrodites (portant les organes mâles et femelles à la fois), forment une corymbe à maturité (les fleurs sont insérées à des points différents de la tige, et sont de longueurs différentes pour que les fleurs arrivent toutes sur un même plan).

L'ensemble de la plante dégage une odeur désagréable (décidément !), rappelant la vieille urine. C'est pour ça que la Valériane se retrouve souvent vendue en gélules et non en vrac, la tisane étant vraiment infâme. C'est cette même odeur qui est responsable de l'attirance de nos amis les chats pour cette plante, rappelant certaines phéromones. C'est très intéressant de mettre un chat au contact de valériane, l'effet est immédiat et l'attirance vraiment très puissante, provoquant une sorte d'ivresse au félin.


Corymbe de Valériane
Détail des fleurs.



Une plante médicinale


La Valériane, dont l'étymologie viendrait peut-être du latin Valere signifiant "être fort", est une plante depuis longtemps inscrite dans la pharmacopée européenne. On la cite en abondance dans les textes médicaux grecs et romains, mais il s'agirait en fait d'une autre variété de Valériane, abondante en Asie mineure. Hippocrate (~-460 - ~-370), père de la médecine moderne, en fait par exemple mention.

Énormément de propriétés ont été attribuées au cours de l'Histoire à la Valériane, certaines fantaisistes comme celle de repousser les Elfes. Matthiole (1501-1577), médecin et botaniste italien, en fait par exemple un remède à la flatulence, à la peste, à l'asthme, aux venins d'animaux, à la vue faible...

Mais ce qui ressort le plus souvent, ce sont ses propriétés anxiolytiques (qui diminue l'anxiété, comme le font les benzodiazépines (Lexomil, Xanax...)) et antispasmodiques (qui diminue les spasmes musculaires). On utilise pour ça le rhizome de la plante, de préférence sous forme fraîche, mais aussi de plus en plus séché et réduit en poudre, ou encore sous forme de teinture alcoolique (la plante est mise au contact d'alcool, qui agit comme un solvant pour extraire les principes actifs). 

Jusqu'à l'apparition des médicaments chimiques, c'est le principal remède européen des désordres nerveux en général : épilepsie, vertiges, nervosité, migraines, sevrage tabagique ou alcoolique... Et c'est toujours le principal médicament de phytothérapie pour l'anxiété et les troubles du sommeil, des extraits de Valériane ayant montré une affinité avec les récepteurs GABA du cerveau. 

Par contre, son efficacité est remise en cause, notamment à cause de la faiblesse méthodologique des tests médicaux réalisés pour juger des effets de la valériane. Il est difficile, avec les données médicales dont on dispose, de juger si son efficacité dépasse celle d'un placebo. Reste à espérer que des études plus consistantes soient réalisées pour déterminer ou non de l'efficacité véritable de la plante. Une alternative, a priori faiblement toxique, aux anxiolytiques chimiques serait bienvenue et améliorerait certainement la qualité de vie d'un grand nombre de gens.


1Ce qui est énorme, selon Pierre Desproges qui était impressionnable.
2C'est comme si c'était mon frère, selon les Garçons Bouchers, qui ne savaient pas qu'on utilise la fleur femelle
3India Pale Ale, un type de bière à haute fermentation d'origine anglaise, forte en houblon, qui prouve que les Britanniques savent faire de la bière
4https://fr.wikipedia.org/wiki/Houblon#Pharmacop.C3.A9e
5Exemple : « prenant une livre d'un parfum de nard pur, de grand prix, Marie-Madeleine oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux ; et la maison s'emplit de la senteur du parfum » (Evangile selon Saint Jean, XII:3)