Au hasard d'une promenade à Mortagne-au-Perche (notre nouvelle city pleine de charme), dans les vieilles ruelles, je suis tombé par hasard sur un bout de mur sur une Joubarbe des toits (Sempervivum tectorum L.) d'une taille exceptionnelle. Le résultat : cette série de clichés d'une beauté à couper le souffle ! Vous pouvez cliquer dessus pour en profiter en grand format.
I) Description
Cette plante, plutôt rare en Normandie, affectionne les vieux murs et les rocailles. Elle est de la famille des Crassulaceae, qui contient des plantes succulentes particulièrement adaptées à l'aridité : les feuilles sont gorgées de substances nutritives acqueuses, permettant au végétal de survivre de nombreux mois sans apport d'eau.
Pour résister à la sécheresse, les Crassulaceae disposent d'un mécanisme de régulation des échanges d'eau avec l'extérieur : les stomates, ces minuscules trous dans le tissu de la plante, s'ouvrent la nuit et se referment le jour, limitant l'évaporation de la plante et permettant même de profiter de l'humidité nocturne.
La Joubarbe des toits se reconnait facilement à ses feuilles, réparties en rosette à la manière du capitule d'artichaut. C'est une plante acaule, c'est-à-dire sans tige apparente. Elle fait partie de ses plantes capables de pousser dans rien ou presque, comme ici où elle colonise un vieux mur de pierre. Les photos ci-dessus représentent sans doute un seul individu, qui à partir d'une rosette s'est propagé à l'aide de stolons. Il n'y aurait donc qu'un seul ADN.
Malheureusement pour moi, la Joubarbe de Mortagne-au-Perche avait fleuri il y a peu de temps, mais la hampe florale était déjà fânée. Voici quand même une inflorescence d'un autre Sempervivum, croisé le 31 juillet 2016 à Somiedo, dans les Asturies, à plus de 1000 mètres d'altitude. Ce serait dommage de ne pas vous faire profiter de cette superbe fleur !
Les fleurs de Joubarbe sont regroupées au bout d'une hampe florale, tige servant à porter les fleurs. Après floraison, la rosette qui a émis la hampe meurt.
II) Autour de la Joubarbe
Son nom scientifique, Sempervivum tectorum L., vient du latin semper qui signifie "Toujours" et vivus, "vivant". Le nom fait référence à la capacité de survie de la plante en situation de sécheresse. Quand à tectorum, cela signifie littéralement "des toits".
En français, la plante possède plusieurs noms : Joubarbe des toits, mais aussi Grande Joubarbe, Artichaut des toits, Barbe de Jupiter, Herbe aux coupures... On l'appelle Hauswurz en allemand, Mouse-leck en anglais, ou encore Semprevivo en italien1.
La plante, décrite dès l'antiquité, était associée à la magie : elle aurait le pouvoir de protéger les habitations qui en avaient sur leur toit de la foudre. D'où son nom de Barbe de Jupiter. Cette croyance était si bien répandue que Charlemagne ordonnait au fermier d'en installer chez eux, dans le célèbre Capitulaire de Villis2, document de 812 régulant les cultures potagères de l'empire.
La joubarbe possède de nombreuses propriétés médicinales, connues des herboristes depuis au moins l'époque de Dioscoride1 (Ie siècle). Son suc était autrefois utilisé dans les ulcères, les fièvres et les affections liées à l'hystérie, notion psychiatrique aujourd'hui heureusement démodée.
On l'utilise toujours en usage externe, contre les cors et les saignements de nez, les hémorroïdes, les brûlures, les plaies, les furoncles3... Elle possède en effet des propriétés astringentes grâce à ses tanins : les tanins ont la capacité de ressérer les muqueuses. C'est grâce aux tanins qu'on transforme les peaux en cuir, sous l'action de plantes riches en tanins comme le chêne. Un vin riche en tanin, un bordeau par exemple, entraîne une sensation de crispation dans la bouche : c'est l'astringence.
Par contre, vue la relative rareté de la plante dans nos régions, et la lenteur de la croissance, il est quand même dommage de l'utiliser comme plante médicinale, alors qu'il existe de nombreuses plantes ayant les mêmes propriétés et beaucoup plus faciles d'accès.
Et voilà, c'est tout pour le moment sur la Joubarbe, j'espère que vous apprécierez ces clichés de cette plante superbe :-)
1Fournier, Paul-Victor, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, Editions Omnibus
3Couplan F. et Debuigne G, Le petit Larousse des plantes qui guérissent, Editions Larousse.